:: BIOGRAPHIE

Raymond-Auguste Monvoisin : Des pavés de Paris aux chemins de Santiago


Élève à Bordeaux de Pierre Lacour (1745-1814) puis à Paris de Pierre-Narcisse Guerin (1774-1833), Raymond Monvoisin réside en Italie entre 1820 et 1825 en tant que lauréat de l'Académie de France à Rome. De retour à Paris, l'artiste est rapidement reconnu comme un peintre « talentueux et prometteur ». Il reçoit des commandes officielles et privées, puis se présente aux Salons avec un grand succès. Néanmoins, en 1842, il décide de quitter son atelier, sa famille et s'embarque au Havre pour le Chili. Aussitôt après son départ, les tableaux qu'il y avait de lui au Musée du Luxembourg sont retirés, et envoyés dans les dépôts de l'État. À son retour en France, en 1857, Monvoisin était oublié et ses œuvres étaient disséminées et exclues de l'historie officielle de l'art français.

Biographie résumée

1790 : Né le 15 mai à Quinsac (Gironde). Le 1 juin est baptisé à l'église de Sainte-Eulalie à Bordeaux.

1802 – 12 : Élève à l'école des Beaux-Arts de Bordeaux. Atelier de Pierre Lacour (1745-1814)

1812 – 15 : Il effectue quelques travaux sur commande pour l'église Notre-Dame de Bordeaux. Il peint Saint-Martin à Saint-Sulpice (Gironde) et Saint-Roc à l'église de Blanquefort (Gironde).

1815 : Il réalise le Portrait de la duchesse d'Angoulême, Marie-Thérèse Charlotte de France (1778-1851), fille aînée de Louis XVI (localisation inconnue)

1816 : Admission à l'école des Beaux-arts de Paris. Atelier de Pierre-Narcisse Guérin (1774-1833)

1820 : Deuxième Grand-Prix de Rome avec le tableau Achille demandant à Nestor le prix de la sagesse aux jeux olympiques. Son œuvre lui a valu une gratification du roi.

 

R. A. Monvoisin. Achille demandant à Nestor le prix de la sagesse aux jeux olympiques (collection privée)

 

1821 : Premier séjour à Rome. Il demeure pensionnaire à l'Académie de France de 1822 à 1825.

1822 : Il obtient le Grand Prix d'honneur pour son tableau Oreste et Pylade. Jean-Pierre Blancpain écrit : « Dès lors, il accumule avec régularité prix d'honneurs et lots de consolation : mentions, médailles, palmes, diplômes et décorations jalonnent une carrière honorable et sanctionnent l’exécution appliquée et convenable de scènes historiques en tous genres et de portraits officiels. Sa seule hardiesse ? L'éclectisme des sujets qui associent prudemment la couleur à la ligne. Du genre troubadour aux visions épiques, de paysages paisibles en naufrages éperdus, de l'Antiquité héroïque et pompéienne à l'exotisme et à l'orientalisme colorée, rien n'effraie son pinceau » (Blancpain, Jean-Pierre. Le Chili et la France: XVIIIe-XXe siècles. Harmattan, 1999, Paris. Pp 94,95.) . Il peint, entre autres, un « Portrait du roi Louis XVIII » pour la Cour royale d'Aix-en-Provence et La naissance de la Vierge pour l'église Notre-Dame de Lorette à Paris.

1825 : Le 5 mars. Mariage à l'église Saint-Louis de Rome avec l'artiste miniaturiste Domenica Festa (1805/7- 1881) francisée Dominique épouse Monvoisin, fille cadette du peintre Felice Festa (1763/64 -?).

1827 : Plusieurs commandes du Duc d'Orléans : Télémachus et Eucharis (huile sur toile, 294.6 × 251.5 cm, collection Minneapolis Institute of Arts), Bergère soninaise. Il peint pour l'église Saint-Leu à Paris Saint-Gilles surpris dans sa retraite par le roi des Goths.

Portraits des diplomates chiliens à Paris :
Monsieur Mariano Egaña, Ministre plénipotentiaire de la république chilienne en France. Huile sur toile, 117 x 90 cm, collection Banco Central de Chile.
Monsieur José Manuel Ramirez Rosales. Huile sur toile, 100 x 70 cm, collection privée (Santiago)

1831 : Il obtient une médaille de première classe au Salon de Paris de 1831 avec L'exaltation de Sixte V.
Il demeure au 31, rue de l'Odéon.

 

R.A.Monvoisin. Entrée du village. (1833, collection privée)


1834 : Naissance de sa fille, Bianca Monvoisin.
Mention d'honneur au Salon de Paris.

1835 : Sous commande Louis-Philippe, il exécute La bataille de Denain, (Huile sur toile, commande souscrite le 5 juillet 1834 pour un prix de 12.000 francs. Tableaux conçu pour la galerie des batailles du château de Versailles, il n'a jamais rejoint sa destination. Cette œuvre se trouve actuellement en réserve
Le secrétaire général des musées royaux, Alphonse de Cailleux (1788- 1876), devenu en 1836 directeur adjoint du musée du Louvre, auprès de Louis Nicolas-Philippe-Auguste de Forbin (1777- 1841), demande à Monvoisin, à plusieurs reprises, de modifier quelques aspects de ce tableau. L'animosité, d'une part et d'autre, attira à Monvoisin l'hostilité et une critique négative à l'égard de son œuvre : « Monsieur Monvoisin qui avait traité dans les proportions de l'histoire une anecdote digne tout au plus d'une aquarelle, ne comprît pas toute la grandeur du sujet qui lui était proposé (…) Cependant, monsieur Monvoisin, sans avoir mérité La Bataille de Denain, pouvait justifier la faveur qui lui était accordée, renoncer à ses vieilles habitudes, se renouveler par un effort violent, et faire, sinon un tableau excellent, car une pareille tâche est au-dessus de ses forces, du moins un tableau raisonnable » (Planche, Gustave. Études sur l’École Française (1831-1852) : Peinture et sculpture, vol I. Michel Lévy frères, 1855, Paris. pp. 341,42.)

 

R. A. Monvoisin. La Bataille de Denain (en dépôt au Musée des Beaux-Arts de Bordeaux)


1840 : L'escarpolette (huile sur toile, 126x102, collection musée du Louvre), commandé par le musée de Luxembourg. Exposé au salon des artistes français, Paris, 1840. Il existe une copie de ce tableau au Musée national des Beaux-Arts du Chili, intitulé El columpio (huile sur toile, 128 x 107 cm, daté 1851).

1842 : Il décide de partir en Amérique du Sud. Il rédige un testament le 28 février, à Paris. Il embarque au port du Havre et emporte avec lui une vingtaine de ses tableaux.

Mai / Août : voyage, route de l'Atlantique. Près du Cap-Horn, suite aux très mauvaises conditions météorologiques, le navire se trouve obligé de faire demi-tour et de revenir au port de Montevideo. Monvoisin décide de continuer son voyage par voie terrestre. Il arrive à Buenos-Aires où il séjourne durant trois mois (septembre à novembre).

À Buenos-Aires, il peint le Portrait du Président Argentin Juan Manuel de Rosas (Huile sur toile, 100 x 80 cm, collection Museo nacional de Bellas Artes de Buenos-Aires).
Le 29 novembre, il obtient l'autorisation de l'administration argentine et un visa pour traverser la frontière chilienne.

1843 : Le 12 janvier, il quitte Mendoza à destination du Chili. Le 23 janvier il arrive au poste frontalier chilien de Santa-Rosa.
 Le 27 janvier il arrive à Santiago.

Il ouvre un atelier de peinture et sculpture à Santiago. Les argentins madame Procesa Sarmiento de Lenoir (1818-1889), et Gregorio Torres qui l'accompagne au Chili, ainsi que le chilien José Luis Borgoño Vergara (1811-1876), sont ses élèves-assistants.

Francisco Javier Mandiola (1820-1900), considéré le « premier grand peintre national » au Chili s'inscrit à l'atelier de Monvoisin devenant alors son élève le plus doué. Devint également son élève : José Teodosio Gandarillas y Gandarillas (1810- 1853), ancien élève de Charles Wood Taylor (1792- 1856) et de J. M. Rugendas (1802-1853).


Le 12 Mars. Première exposition de Monvoisin à l'ancienne Real Universidad de San Felipe à Santiago. Précédé par sa réputation, il commence à être sollicité par les familles aristocrates de la capitale et devient rapidement un portraitiste à succès. Ses portraits exercent une influence décisive dans la nouvelle société républicaine qui fait siennes les inclinations de la mode européenne, en particulier la française. Cette première exposition est importante, car elle permet à Monvoisin de montrer son talent puis d'impulser un renouvellement de l'esthétique picturale, jusqu'alors réduite à la très populaire peinture dite virreynal, essentiellement anonyme et de caractère religieux.

Le 3 mars, un article de presse rédigé par Domingo Faustino Sarmiento (1811-1888) avait été consacré à l'exposition du bordelais, sous le titre de « Pinturas de Monvoisin ». Une grande partie des œuvres exposées furent achetées par la famille Cousiño-Goyenechea. Elles font actuellement parties de la collection Palacio Cousiño, appartenant à la mairie de Santiago. Dans cette exposition figurait le tableau Alí Pashá de Yánina dit Ali Pasha et Vasiliki, oeuvre orientaliste qui inspira D. F. Sarmiento et  Victor Fidel Lopez pour publier une fiction historique en 7 épisodes ("Alí-Bajá" Cuadro de Mr. Monvoisin) dans le journal El Progreso, entre le 21 et 29 mars 1843. Ce tableau, auparavant exposé à Paris, avait inspiré Prosper Poitevin (1810-1884) qui avait dédié un poème à Mr. Monvoisin en 1833 (Ali-Pacha et Vasiliki. Poème, dédié à M. R. Q. Monvoisin. Alexandre Mesnier Ed., 1833, Paris).

 

            

 Fig. gauche : R. A. Monvoisin. Alí Pashá de Yánina dit Ali Pasha et Vasiliki (collection Palacio Cousiño)

Fig. droite : Portrait du Président Manuel Bulnes Prieto (collection Museo Historico nacional de Chile)


En cette année 1844, il peint le portrait du Président Manuel Bulnes Prieto (huile sur toile, 228 x 140 cm, collection Museo Historico nacional de Chile) et celui de plusieurs membres de l'élite chilienne dont on retrouve notamment le Portrait d'Andrés Bello (huile sur toile, 90 x 70 cm, collection Présidence de la république du Chili).

1845 :  Il fait la connaissance du peintre bavarois Johann-Moritz Rugendas (1802-1853) à Santiago. Rugendas, connaissant le Pérou, aurait peut-être conseillé à Monvoisin de s'y rendre aussi...

Premier voyage de Monvoisin à Lima, Pérou. Il peint le Portrait du Président Ramón Castilla y Marquesado (1797 – 1867) (huile sur toile, collection Museo de Historia Militar del Perú ? ). Dans la capitale péruvienne il rencontre l'artiste Ignacio Merino Muñoz (1817- 1876), ancien disciple à Paris de Paul Delaroche (1797-1859) qui devient son élève.

1846 : Il fait la connaissance de l'intellectuel Argentin Bartolomé Mitre (1821- 1906) à Valparaiso. Mitre devient Président de l'Argentine entre 1862 et 1868.

Il achète l'hacienda de Los Molles (Marga-Marga) à monsieur Auguste Picolet, Baron d'Hermillon (1798- 1872), consul de Sardaigne à Valparaiso. Les années précédentes, Monvoisin aurait bénéficié du soutien des pères Français qui lui donnent l'hospitalité dans leur propriété de Los Perales (Marga-Marga). C'est dans ce domaine qu'il aurait peint Les Girondins dans leur prison. Il existe un tableau sur ce même sujet, intitulé La dernière nuit des Girondins, daté 1832 (huile sur toile, 235 x 345 cm, collection Palacio Cousiño).

1847 :  Avril. Deuxième voyage à Lima. Voyage à Paris.

Retour en Amérique du Sud. Il arrive à Rio de Janeiro le 15 octobre à bord du navire français Le Vaillant. Il demeure à Rio de Janeiro, 163, Rua de Ouvidor. Il peint le Portrait de l'Empereur Dom Pedro II du Brésil à 21 ans (huile sur toile, collection du Museu-Instituto Cultural Banco Santos, Rio de Janeiro) ainsi que le Portrait de l'Impératrice Thereza Christina Maria.

1848 : Le 17 janvier, il est décoré de l'Ordre des Chevaliers du Cruzeiro par l'empereur du Brésil.

 

R.A.Monvoisin.Portrait de l'Empereur Dom Pedro II du Brésil à 21 ans (collection Museu-Instituto Cultural Banco Santos, Rio de Janeiro)


Retour au Chili. Il demeure au domaine de Los Molles et ouvre un atelier à Santiago (l'ancien atelier du peintre Français Ernest Charton de Treville). La même année, assisté par Clara Filleul (1822-1888), il ouvrit un atelier à Valparaiso, d'abord dans la rue Del Cabo, puis au 90, rue del Colegio.

1849 : Voyage à Copiapo. Il fonde une société commerciale : « Monvoisin y Compañia » (Monvoisin et Associés) pour l'exploitation des mines d'argent. Durant cette année, il peint sur les murs de son domaine (huile sur plâtre) des scènes consacrées aux muses.

1852 : Commandes de sujets religieux. À la demande de monsieur Francisco de la Arriagada Argomedo (1808-1872), un influent propriétaire terrien, il peint pour la cathédrale de la Santísima Concepción (Concepción) une huile sur toile représentant un Christ (338 x 235 cm.). Pour cette peinture, il demande la somme de 6.000 pesos en or. Il effectue aussi une Vierge Purísima (collection Alvarez Urquieta) et un portrait d'un Chanoine (Canónigo, cathédrale de Concepción).

1854 : Voyage dans la région australe de l'Araucanie.

1855 : La démission d'O'higgins (localisation inconnue). Selon Benjamin Vicuña-Mackenna : « je vis cette dernière toile en 1860, mal enroulée, dans une boutique, à Lima. Heureusement j'en fis faire une photographie, qui fut reproduite en gravure ».

1856 : Le 1 janvier, l'artiste fait part de son souhait de quitter définitivement le Chili pour rentrer en France. Il organise une vente d'atelier : toiles, plâtres et objets d'art divers.

1857 : Le 3 Septembre. Voyage de retour en France à bord du trois-mâts français Le Coquimbo, navire affecté au transport de nitrate. Le 24 décembre, il arrive au port de Pauillac (Gironde).

1858 : Le 1 janvier. Arrivée à Paris. Demeure au 2ème étage du 3, Quai-Conti.

1859 : Il peint Les réfugiés du Paraguay (il existe une aquarelle sur papier, 32 x 24 cm, appartenant à la collection Museo Nacional de Bellas-Artes de Buenos-Aires, portant le même titre)

Il expose à Paris : Le cacique Caupolican, grand chef des Araucans, prisonnier des Espagnols  (Huile sur toile, 220 x 277 cm, collection Museo O'Higginiano y Bellas-Artes de Talca) et Elisa Bravo, la naufragée dit  Le naufrage du Joven Daniel  (Huile sur toile, 176 x 130 cm, collection Museo O'Higginiano y Bellas-Artes de Talca). Ces deux tableaux furent vendus par son épouse, Dominique Monvoisin à la famille chilienne Cousiño-Goyenechea.

1861 : Associé à son neveu, le graveur sur bois et ancien élève d'Auguste Trichon (1814 - 1898), Gaston-Raymond-Ernest Monvoisin (1821-?), il achète la propriété du 25, rue de Sèvres à Boulogne-sur-Seine.

Série de portraits et paysages intitulée Souvenirs de mes voyages en Amérique. Quelques unes de ces images furent lithographiées et diffusées sous forme d'estampes par la Maison Goupil.

Il devient ami d'Allan Kardec (1804-1869), fondateur de la Société Spiritiste de Paris. Pour la collection du musée du spiritisme, il peint quatre scènes de la Vie de Jeanne d'Arc.

1870 : Atteint d'une pneumonie, Raymond-Auguste Monvoisin meurt le 26 mars à Boulogne-sur-Seine.

1881 : Le 25 novembre. Selon le rapport municipal, le maire de Bordeaux accepte le legs de sa veuve consistant en plusieurs tableaux et peintures peints par l'artiste ou par elle-même. En outre, madame Monvoisin, avait légué à l’École des Beaux-Arts de Bordeaux 800 francs de rente pour fonder deux prix annuels de 400 francs, en peinture et en musique, ainsi que quelques peintures au musée d'Angers.

 

R.A.Monvoisin. Autoportrait. Lithographie gravée par Artus litho. 10 x 8 cm, Paris, 1850