:: PROJET DE RECHERCHE

Catalogue raisonné et monographie de l'artiste


L'objectif de ce catalogue raisonné consiste à dresser un inventaire d’œuvres, et de leur localisation, afin de répertorier la production de R.A. Monvoisin et de documenter ainsi chacune des œuvres avec des informations techniques (thème, dimensions, technique, datation, ...) et historiques (propriétaire, localisation, exposition, vente, …).
Ce projet cherche également à constituer une monographie approfondie du peintre considérant des aspects tels que : sa généalogie et sa biographie, sa formation académique, ses influences, ses choix et ses évolutions stylistiques, ses collègues et ses élèves, le regard porté par la critique et le grand public.
L'approche de cet étude s'organise à partir d'un critère chronologique selon lequel seront classées les œuvres. La réalisation de ce projet manifeste la volonté de valoriser les artistes voyageurs du XIXe siècle et vise à repenser la question des arts de la périphérie jusqu'à présent très peu étudiée par l'historiographie de l'art et souvent reléguée à un survol encyclopédique. Les questions qui seront ici abordées apporteront des éléments pour repenser la problématique de production des Beaux-arts puis de la peinture au sens large du terme, d'où l'importance de laisser ouverte la question sur les critères d'analyse, des hiérarchies et de la périodisation des styles et des influences.

 

              

Fig. gauche : R.A.Monvoisin. Télémaque et Eucharis (collection Minneapolis Institute of Arts)
Fig. droite : R.A.Monvoisin. Séance du 9 Thermidor ou La chute de Robespierre (collection Museo Nacional de Bellas artes de Santiago. Il existe une copie posterieure de ce tableau qui se trouve au Musée de la Révolution française à Vizille en Isère)

 

La reconsidération de ces aspects, ainsi que la constitution d'une bibliographie spécialisée, inédite, permettront d'éclaircir et de contribuer épistémologiquement à la question phare (la restitution de l’œuvre de Monvoisin) et à plusieurs facteurs qui s’avèrent aujourd'hui d'une importance majeure pour mieux comprendre l'évolution des processus artistiques en Amérique-latine et à l'édification des espaces symboliques de représentation d'une société, d'une époque.

Aussi, la révision critique de l’œuvre de Monvoisin, notamment ses portraits de l'élite et des grands-hommes, contribuera à repenser l'identité (non comme un réservoir de codes immobiles mais évoluant au fil du temps) tout en intégrant l'histoire périphérique de l'art latino-américain à une vision globale où, à l'heure actuelle, un dialogue entre les cultures occidentales et les mondes extra-européens, s’avère nécessaire et fondamental afin de mieux répondre à des questions telles-que :
a) Existe-t-il une tradition artistique latino-américaine au sens européen du terme ? Une école, un style de peinture local ?
b) Quel sont les rapports entre les institutions impulsées par l’État et celles en marge, comme c'est le cas des ateliers anonymes (artisans), des Salons indépendants ou des galeries privées ? Et en cela, comment construire de toutes pièces un art « indépendant » et « national », emblématique et représentatif ?
c) Quel est le rôle joué par des artistes comme Quinsac-Monvoisin, Johann-Moritz Rugendas (1802-1858), Jean-Léon Pallière (1823-1887) ou encore Ernest Charton de Treville (1815-1878) en tant que promoteurs d'une culture, d'une idéologie ou d'une école ? Comment se construit et se manifeste en dehors de l'Europe le processus de transfert, d'adoption et d'adaptation des formes ?
d) Comment le marché de l'art a-t-il remplacé le système académique des Beaux-arts et, dans la société en voie de modernisation, celle qu'a connu Monvoisin en Amérique, comment s'est développé l’intérêt pour l'art et la consommation de production artistique ? Comment ce mouvement a abouti, d'ailleurs, à la constitution des principales collections publiques ?

Tenter de répondre à ces questions permettrait d'actualiser l'étude de l'art, notamment sous l'angle de l'histoire sociale, et de l'intégrer ainsi au panorama contemporain des études théoriques sur l'art du XIXe et XXe siècles.
Le génie de Monvoisin a donné ses propres règles à l'art, et sa capacité d'invention est allée au-delà de la simple et pure dimension picturale. De par ses portraits, il se reconnaissait constructeur de mémoire tout en rêvant d'y attacher son nom. Il concevait et exaltait la vie en elle-même comme une œuvre d'art - l'art étant toujours une prise de conscience et de risques - et sa curiosité relevait d'une personnalité exceptionnelle, romanesque, qui ne se contentait pas de s'affirmer en tant qu'artiste-peintre mais qui a forgé sa destinée en s’intéressant à des activités bien hétéroclites telles que l’élevage des chevaux, l'économie (il a investi dans l'activité minière), la politique et, vers la fin de sa vie, le spiritisme... Monvoisin fut un homme de son temps, en harmonie avec le mouvement social de son époque. Il est l'héritier d'un siècle fondateur de consensus par l'histoire, de laquelle il participe et construit sa propre mythologie.
La figure et l’œuvre Raymond-Auguste Monvoisin sont à redécouvrir. Il a largement contribué au rayonnement de la culture française. Néanmoins, il mourut dans l'oublie de ses contemporains et dans la pauvreté. La postérité n'a pas retenu son nom au rang qu'il mérite. Pour cela, la conception de cette étude veut fournir des éléments de connaissance afin d'éveiller l'intérêt et de susciter une reconnaissance envers ce peintre girondin...

 

R.A.Monvoisin. Autoportrait. 1842 (collection Museo Nacional de Bellas Artes de Buenos Aires)